En période de taux bas et de loi Sapin 2, les nouveaux contrats se parent de diversité, de flexibilité et de services
Malgré la baisse régulière et inexorable de ses rendements, l'assurance-vie ne cesse de séduire de nouveaux épargnants. Un paradoxe qui s’explique d’abord par la faiblesse des taux proposés par les autres produits d’épargne. Mais aussi par la mue qu’est en train d’opérer l’assurance-vie. Les contrats deviennent en effet de plus en plus diversifiés (fonds euros, mais aussi unités de compte, immobilier,…) et de plus en plus flexibles. Les professionnels jouent aussi sur les taux de frais pour gonfler la rémunération des contrats qu’ils proposent. Enfin, l’offre de conseils et de services rattachés aux contrats d’assurance-vie ne cesse de s’étoffer.
L’assurance-vie a toujours le vent en poupe. Selon la Fédération française de l’assurance (FFA), pour le mois de juin 2016, la collecte nette s’établissait à 810 millions d’euros et le montant des cotisations collectées par les sociétés d’assurances au premier semestre 2016 était de 70,6 milliards d’euros, contre 68,2 milliards d’euros sur la même période en 2015. L’encours total des contrats d’assurance-vie était de 1 602 milliards d’euros en juin 2016, contre 1 500 milliards en 2014 à la même période. Comment expliquer cet engouement pour un produit dont les rendements sont en perte de vitesse ? D’abord parce que les autres produits d’épargne font moins bien que lui, sans bénéficier des mêmes avantages. “Ce succès de l’assurance-vie doit s’analyser dans un environnement de taux bas, et toujours plus bas, dans l’univers des crédits comme de l’épargne, explique François Boisseau, responsable du pôle épargne de la Banque Postale. Les Français se sont éloignés des livrets d’épargne dans leur globalité et du livret A en particulier, et par une sorte de phénomène de vases communicants, cela a profité à l’assurance-vie et au PEL.” D’autant que l’assurance-vie continue de bénéficier de conditions très favorables : le capital est garanti, la fiscalité sur les arbitrages à l’achat ou à la vente y est nulle, et elle fait un excellent outil de transmission du patrimoine. L’assurance-vie n’est donc pas qu’un choix par défaut. Mais le produit leader sur le marché de l’épargne fait lui aussi face à des menaces.
Haro sur les fonds euros
Les produits d’assurance-vie voient en effet leurs taux de rendement baisser : moins de 2,30 % en moyenne selon l’Association française de l’assurance (AFA), et moins de 2 % pour les contrats les moins bien rémunérés. Une situation qui doit beaucoup à la réforme des fonds euro, qui représentent 80 % des collectes pour le premier semestre 2016. La référence en matière d’obligation d’État, le Bund allemand, se négociant même à des taux négatifs. Pour les investisseurs un peu frileux, l’important est d’en avoir, afin de sécuriser leur argent. Les assureurs parviennent encore à limiter l’érosion du rendement servi aux épargnants grâce aux obligations souscrites par le passé, et grâce aux réserves de plus-values constituées lors des années où cela était possible. Une situation qui inquiète certains professionnels. “Je n’ai jamais été favorable au fonds euros car ce sont des placements opaques, on ne sait pas bien ce qu’ils contiennent, prévient Maël Toledano, responsable du marché français chez IWI. Cela fait longtemps que les obligations qui rapportaient sont débouclées, et pourtant les taux restent élevés ; c’est troublant.”
Les autorités semblent avoir compris que quelque chose ne tournait pas rond avec les fonds euros et s’attachent depuis à en saper l’attractivité. Cela semble en tout cas être l’objectif du projet de loi dit Sapin 2. Si la loi est adoptée en l’état, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) aura le pouvoir d’imposer à un assureur un taux plus bas que celui qu’il a fixé sur son fonds en euros. Le HCSF pourra aussi décider de suspendre sur tous les contrats la possibilité de faire des retraits sur les fonds en euros, ou de les limiter en cas de grosse fluctuation des taux obligataires, signant ainsi l’arrêt de mort de la liquidité garantie. L’assurance-vie est donc en train d’évoluer et les professionnels qui l’ont compris sont en train de tirer leur épingle du jeu.
L’avènement des contrats mixtes
Les autorités poussent en fait les épargnants à se détacher des fonds euros et favorisent les placements d’assurance-vie en unités de compte (actions) ou en immobilier, qui sont à la fois plus dynamiques, et plus risqués. L’idée de Bercy serait en fait de favoriser les fonds euro-croissance qui sont jusqu’à présent un échec commercial. Dans ces contrats, les versements ne sont garantis qu’au terme de 8 ans, période pendant laquelle l’assureur peut investir jusqu’à 30 % du capital sur des unités de compte. “Les compagnies qui font uniquement du fonds euros sont en fait très peu nombreuses, note Maël Toledano. De facto, les clients sont contraints de se tourner vers les unités de compte.” Même sans les coups de pouce de Bercy, les placements en unités de compte correspondent en moyenne à 20 % des collectes du premier semestre 2016. L’assurance-vie est donc moins monolithique qu’elle n’y paraît. Les contrats sont même de plus en plus évolutifs.
C’est en proposant des contrats aménageables que les intermédiaires financiers parviennent à se positionner sur un marché hyper-concurrentiel. “Le maître mot de nos contrats est flexibilité, analyse Mimouna Boutchich, responsable assurance vie & épargne de bilan à la Banque Postale. À la Banque Postale, le client a accès à des supports euros, des unités de compte ou encore choisir de confier la gestion de son capital à des professionnels avec le mandat d’arbitrage, le tout au sein d’un même contrat.” L’appétence au risque d’un client peut évoluer durant la durée de vie du contrat, selon les épisodes qui ponctueront son existence (mariage, naissances…), aussi est-il possible de réduire ou d’augmenter cette exposition au risque, sans avoir à souscrire un nouveau contrat. Ces mêmes contrats permettent aussi soit de sécuriser, soit de dynamiser les plus-values, “grâce à des options d’arbitrage automatique sur un fonds euros pour les sécuriser, ou bien des arbitrages sur des unités de compte pour les dynamiser”, explique Mimouna Boutchich.
La guerre des frais
Une autre façon d’attirer les clients sur ce marché concurrentiel qu’est l’assurance-vie, est de jouer sur les frais. Car plus les frais sont bas, et plus les rendements sont élevés… surtout dans une période de taux bas. Mettons par exemple que les frais d’ouverture du contrat soit de 2 ou 3 %, il vous faudra attendre un an pour que votre assurance-vie commence à vous rapporter quelque chose. Il faut aussi bien surveiller les frais de gestion annuels pour qu’ils soient le plus bas possible. À plus de 1 %, cela ne vaut plus le coup dans le cadre d’un contrat qui ne vous rapporte que 2 %. Il vous restera 1 % de plus-value, ce qui correspond peu ou prou à l’inflation. Si vous êtes du genre à faire plusieurs arbitrages au cours d’une même année, par exemple pour réallouer une partie de votre épargne, évitez les contrats qui vous ponctionnent en cas d’arbitrage. En général, les distributeurs qui proposent les prix les plus bas – leurs concurrents parlent de prix “agressifs” – sont des pure players, ils n’ont pas à prendre en charge les frais d’un réseau d’agences. “Notre credo est de pratiquer des frais très bas, assure Antoine Delon, président de LinXea. Il y a 0 % de droits d’entrée, 0 % sur les versements, tout comme sur les arbitrages.”
La bataille des services
Une autre façon de se démarquer et de prendre l’avantage sur ses concurrents est de proposer nombre de services et de conseils, surtout dans des périodes de taux bas, où le conseil devient essentiel. “Lorsque les fonds euros ou le livret A étaient à 4 %, le besoin de conseil n’était pas le même qu’aujourd’hui, où vous devez diversifier votre épargne et donc bien connaître les marchés financiers et les différents placements, estime François Boisseau. Là réside la valeur ajoutée de la banque : le conseiller vous aide, vous n’êtes pas tous seuls face à votre écran comme sur Internet.” Les institutions s’appuyant sur des réseaux de proximité misent donc sur le conseil que peuvent apporter des conseillers qui se veulent proches de leurs clients. “Il faut bien connaître son client, sa situation, le moment où il aura besoin de son argent, le degré de son aversion au risque, ou encore ses projets, poursuit François Boisseau. Même si de plus en plus de clients, du fait de la baisse des taux des autres solutions d’épargne, font confiance à l’assurance-vie, sans avoir de projet particulier en tête.” Certains pure players, comme LinXea, revendiquent eux aussi un haut niveau de conseil en mettant à la disposition de leurs clients des conseillers joignables par mail ou téléphone. Quant aux compagnies à taille humaine, indépendantes des grands réseaux bancaires ou d’assurances, elles font clairement du conseil et des services leur fer de lance.
Certains, par exemple, jouent sur une personnalisation très poussée de leurs contrats. “Nous ne proposons pas un portefeuille modèle à tous nos clients, mais nous mettons en place un contrat différent pour chacun d’entre eux, selon son profil et ses objectifs. Du coup, nous voyons rarement deux clients avoir la même performance”, explique Florence Nicolas, ingénieur patrimonial chez Cholet Dupont. La plupart des acteurs, qu’ils soient sur Internet, adossé à un réseau, ou indépendants, proposent à leurs clients de gérer eux-mêmes leurs contrats et de faire leurs propres arbitrages. Mais ils proposent aussi de confier leur épargne sous mandat de gestion, afin qu’un professionnel s’en charge à la place du client. Même si cela implique des frais, c’est souvent la solution la plus facile pour qui n’est pas un spécialiste des marchés financiers. Pour certains clients fortunés, l’assurance-vie entre dans la gestion de fortune, voire la banque privée. Ils sont alors particulièrement choyés par leur intermédiaire financier. “Nous faisons de la gestion de fortune, et les dépôts minimums sont de 250 000 euros, donc plusieurs personnes vont intervenir sur un même dossier : un juriste, un avocat, le conseiller financier…”, énumère Maël Toledano. Un accompagnement fiscal, des mises à jour concernant les nouveautés réglementaires, la lutte contre les contrats en déshérence, l’aide à la délocalisation des contrats (par exemple en Belgique ou au Portugal pour des raisons fiscales), où l’accompagnement des ayants droit en cas décès du souscripteur, font aussi partie des services appréciés par les clients.
La star de la transmission
L’assurance-vie reste un excellent véhicule de transmission, même si depuis le 1er juillet 2014, la taxation des successions pour les très gros contrats a été relevée. Le prélèvement a en effet été porté à 31,25 % à partir d’un seuil de 700 000 euros transmis, ce après l’abattement de 152 000 euros, et pour des sommes transmises après les 70 ans du contractant. Le capital d’un contrat d’assurance-vie est versé au bénéficiaire lors du décès de l’assuré. Cette transmission est en principe imposable, mais connaît de nombreux cas d’exonération. La taxation varie aussi selon que la personne qui a contracté le contrat l’a fait avant ou après ses 70 ans, et avant ou après le 11 novembre 1991.
Le fonctionnement reste simple puisqu’au moment de l’ouverture du contrat, il suffit de désigner un ou plusieurs bénéficiaires et indiquer qui recevra quoi au moment du décès du contractant. Ce placement reste donc un outil efficace pour donner plus à ses enfants, sans alourdir leurs droits, mais peut aussi permettre de transmettre à un tiers qui paierait sinon 60 % de droits de donation. L’assurance-vie souffrait jusqu’à présent d’une pénalité lorsqu’un couple était marié sous le régime de la communauté légale. En cas de décès d’un des conjoints, le contrat continuait de courir, et la moitié de sa valeur entrait dans l’actif taxable de la succession. Les ayants droit devaient donc payer les droits de succession alors que le contrat courait toujours. Depuis le 31 mai 2016, la valeur des contrats d’assurance-vie non dénoués, et quels que soient leurs bénéficiaires, n’est pas prise en compte dans le calcul des droits de succession. L’assurance-vie continue ainsi de se positionner comme LE véhicule idéal pour une transmission de patrimoine.
Le PEL entre ombre et lumière
Le plan d’épargne logement (PEL) est une épargne bloquée qui produit des intérêts et peut permettre d’obtenir un prêt immobilier. Les établissements de crédit ayant passé une convention avec l’État peuvent le proposer. Toute personne majeure peut en ouvrir un et un seul. Le minimum de versement est fixé à 225 euros et le maximum 61 200 euros (hors intérêts capitalisés). Sa durée minimale est de 4 ans, et maximale de 10 ans. À la clôture, le PEL permet de conserver les intérêts et de bénéficier d’un taux de prêt pour l’achat d’un logement qui se veut préférentiel. Avec l’assurance-vie, le plan épargne logement a été le grand gagnant de la baisse des taux des livrets d’épargne, avec une collecte de 3,5 milliards d’euros en 2015. Avec un livret A à 0,75 % de rendement, le mirifique taux de 2 % qu’a longtemps fièrement brandi le PEL faisait figure d’eldorado.
Oui, mais ça, c’était avant. Avant que Michel Sapin, ministre des Finances, ne décide que les PEL ouverts à partir du 1er février 2016 ne voient leur taux baisser à 1,5 %. Cette nouvelle baisse du taux des PEL fait suite à celle intervenue le 1er février 2015 (le taux de rémunération passant alors de 2,50 % à 2 % après 12 ans de stabilité). En contrepartie, le taux du prêt qui est consenti au débouclage du PEL passe de 3,20 % à 2,70 %. Une bonne nouvelle… Sauf que les taux consentis lors des prêts bancaires sont actuellement plus proches des 2 %, voire inférieurs… Le PEL serait donc en train de devenir une mauvaise affaire. À moins que les taux ne remontent, ce qui ferait de son taux garanti à 2,70 % une aubaine. Mais ce n’est pas l’hypothèse la plus probable, en tout cas à court terme. Par rapport au livret A, son taux est toujours plus intéressant, et surtout il est garanti pendant toute la durée du plan, là ou celui du livret A varie selon le bon vouloir de Bercy. Il reste cependant un peu moins intéressant que l’assurance-vie, dont les rendements oscillent entre 2 et 3 % en moyenne.
Pour le mois de juin 2016, la collecte nette d’assurance-vie s’établissait à 810 Me, et le montant des cotisations collectées par les sociétés d’assurances au premier semestre 2016 était de 70,6 Mde, contre 68,2 Mde sur la même période en 2015. Source : Fédération française de l’assurance (FFSA)
Source : Le Nouvel Economiste - F.Humbert